Paris le 3 Février 2004
Commission des Affaires Culturelles, Familiales et Sociales
Monsieur Dominique PAILLE
Président de la mission d’information sur les métiers artistiques
ASSEMBLEE NATIONALE
Palais Bourbon
126 rue de l’Université
75007 PARIS
Monsieur le Président,
Nous considérons comme souhaitable pour les travaux que vous menez de
porter à votre connaissance les positions et propositions de notre Organisation
Syndicale qui regroupe très majoritairement les techniciens, ouvriers,
réalisateurs de l’industrie de la production cinématographique
et de télévision (dans notre Branche d’Industrie : la production
, aux élections nationales des délégués aux Caisses
de retraites : nous avons 14 élus pour 17 sièges à pourvoir
pour la caisse Cadres et 6 élus pour 11 sièges à pourvoir
pour la Caisse non cadres).
Pour revenir au sujet qui nous intéresse et vous intéresse,
nous voulons d’abord brièvement rappeler que c’est
en 1964 que les ouvriers, techniciens, réalisateurs de la production
cinématographique et de télévision, engagés
sous contrat à durée déterminée, ont été
intégrés dans le Règlement Général
d’Assurance Chômage par une Annexe portant le N° VIII.
Ce n’est que deux ans plus tard qu’une Annexe catégorielle
(Annexe X) a été instituée pour les artistes et certains
techniciens des entreprises dites du Spectacle.
Jusqu’en 1993,
le champ d’application de l’Annexe VIII stipulait qu’étaient
admis dans ce régime les ouvriers, techniciens de la production cinématographique
et de télévision, salariés des entreprises dont le code
APE était limité strictement à celui des entreprises
de production. Etait adjointe la liste des métiers et fonctions professionnelles
couverts par l’Annexe à l’exclusion de toute autre catégorie
professionnelle. Cette liste reprenait celle de la Convention Collective Nationale
de la Production Cinématographique.
Ainsi, par exemple, une secrétaire de production était admise
dans le régime de l’Annexe VIII ; une secrétaire bien
qu’employée par une entreprise de production et y compris sous
contrat à durée déterminée, ne pouvait relever
de l’Annexe VIII.
Concernant l’Annexe X, les employeurs entrant dans son champ
d’application étaient ceux visés à l’Art.
L 351-4 du Code du Travail et produisant des spectacles, c’est-à-dire
que l’emploi des techniciens du spectacle était ouvert
à toutes entreprises quelle que soit leur activité principale.
En 1993,
Une réforme des champs d’application est intervenue avec la
mise en œuvre de la nouvelle codification d’activité NAF
de l’INSEE.
Dans le champ d’application de l’Annexe VIII ont été
introduits, en lieu et place de l’ancien code APE 86-02, 6 codes d’activité
et notamment le code 921 D : prestations techniques pour le cinéma
et la télévision. Et à chacun de ces code, sans différenciation,
était attachée une seule même liste de fonctions élargie
à de nouvelles fonctions.
Le champ d’application de l’Annexe X est, lui, resté inchangé,
sans codification particulière au regard de la nouvelle nomenclature
INSEE.
En 1999,
Une nouvelle réforme des champs d’application est intervenue.
Les activités des entreprises entrant dans le champ d’application
de l’Annexe VIII a été encore élargi à 8
codes d’activité NAF.
Pour l’Annexe X, a également été instituée
pour les catégories techniques une codification NAF.
Aux codes NAF des entreprises étaient assujettie la liste des fonctions
visées par l’une ou l’autre des annexes.
Les fonctions de la production cinématographique et de télévision
listées dans l’Annexe VIII ont été transposées
et ajoutées à la liste des fonctions listée pour les
entreprises du spectacle codifiée dans l’Annexe X.
C’est ainsi que les champs d’application, et il faut le souligner
dans l’indifférence et l'incompréhension complètes
des partenaires sociaux de l’UNEDIC, ont été indûment
élargis :
- pour l’Annexe VIII, à des entreprises qui
n’avaient aucun rapport, ni de près, ni de loin, avec l’activité
de production de films ou de programmes de télévision ;
- pour l’Annexe X à des entreprises dont l’activité
ne relevait en aucune manière d’une activité spécifique
de production de spectacle relevant de l’Annexe X et à des emplois
qui par définition ne relèvent pas des activités du spectacle.
En réalité, un nombre inconsidéré d’entreprises
étaient habilitées à employer n’importe quelle catégorie
professionnelle.
Ce sont ces réformes qui ont généré un développement
considérable du nombre de salariés couverts par l’une ou
l’autre de ces annexes.
Cet élargissement inconsidéré des champs d’application
estampillé du mot « intermittent du spectacle» a eu pour
effet de dénaturer la spécificité sociale du corps professionnel
des salariés de la production cinématographique et de télévision
et de créer un amalgame entre les ouvriers, techniciens, réalisateurs
de la production cinématographique et de télévision et
les salariés du spectacle vivant, parc de loisirs, etc…
Ce concept de « l’intermittence » a eu pour effet
de dénaturer le fondement social et professionnel spécifique
de l’Annexe VIII notamment et de standardiser les réformes
sur le fondement de l’intermittence de l’emploi, à
savoir : par intermittent on désigne par définition tous
les salariés de l’industrie, du commerce, employés
sous contrat à durée déterminée, c’est-à-dire
des millions de personnes.
Dès lors, la différence contractuelle capitale qui dissocie les
salariés employés sous contrat à durée déterminée
régis par l’Annexe IV de ceux régis par l’Annexe VIII
ou X a été estompée.
- En effet, pour les premiers, les contrats de travail sont juridiquement
encadré par les dispositions du Code du Travail (objet, durée,
renouvellement) ;
- pour les seconds, s’il s’agit également de contrat à
durée déterminée, la nature juridique en est fort différente
: ce sont des contrats dits d’usage. Contrats que l’on renouvelle
sans aucune condition. En réalité, ces contrats font des salariés
dont on peut se détacher du jour au lendemain sans aucune condition.
Tout employeur, par définition, souhaite pouvoir accéder à
de tels contrats pour l’emploi de leurs salariés.
C’est ainsi qu’un certain nombre d’entreprises dont l’activité
est ou non connexe à la production cinématographique et de télévision
ou aux activités (au sens large) du spectacle vivant se sont et ont été
indûment glissées dans les champs d’application des deux
annexes.
Ce sont notamment des entreprises qui se situent sous le code NAF de
la prestation de service pour la télévision ou de la prestation
de service du spectacle.
Du fait de cette dérégulation instituée dans les champs
d’application, ces entreprises ont, dans le même temps trouver le
moyen de précariser au maximum l’emploi de leurs salariés
et intégrer indûment des dizaines de milliers de salariés
qui ne relèvent pas des activités des régimes particuliers
institués à l’origine.
Il va de soi que, contrairement aux techniciens, ouvriers, réalisateurs
de la production cinématographique et de télévision, aux
artistes et à quelques fonctions techniques professionnelles de la création
du spectacle vivant, ce sont des milliers d’emplois, des milliers de salariés,
qui relèvent en réalité du marché de l’emploi
interprofessionnel et non du marché de l’emploi spécifique
professionnel qu’est celui de la production cinématographique et
de télévision et qui a motivé le fait d’un règlement
particulier adapté à ses spécificités.
Il convient de savoir qu’en ce qui concerne les ouvriers, techniciens,
réalisateurs de la production cinématographique et de télévision,
l’ensemble de ces métiers relève d’un marché
captif limité aux seules entreprises de production à l’exclusion
de toute autre.
Un électricien, un machiniste, par exemple, ne sont pas électricien
ou machiniste au sens commun du terme.
Ces fonctions sont des fonctions techniques de collaborateurs de création.
L’électricien participe non pas à éclairer
mais à composer telle ou telle lumières en relation
avec la création, le machiniste a obligatoirement le sens du
mouvement de la caméra et ne fait pas qui veut un travelling.
Il n’a aucune corrélation avec un machiniste de théâtre.
Autrement dit, le marché de l’emploi des ouvriers et techniciens
de la production cinématographique et de télévision est
strictement limité à la production d’œuvres cinématographique
et de télévision et n’a aucun débouché dans
l’interprofessionnel.
Il va de soi que le vocable « intermittent » a été
l’un des éléments politiques de la campagne actuelle pour
tenter de dissimuler la nécessité d’une réglementation
professionnelle spécifique à la production cinématographique
et de télévision, aux artistes et à quelques professions
spécifiques du spectacle vivant et pour dissimuler l’ouverture,
pour un grand nombre d’entreprises périphériques à
la production ou au spectacle, d’un système d’emploi dans
lequel l’employeur est dispensé des obligations du contrat à
durée déterminée de droit commun et du contrat à
durée indéterminée.
En aucune manière il ne s’agit de considérer les salariés
occupant ces emplois comme des salariés intermittents au sens commun
du terme qui relèvent du marché de l’emploi interprofessionnel.
L’emploi de ces salariés est lié à la réalisation
d’une création déterminée. Ils sont engagés
pour la durée de réalisation d’un film, d’une
œuvre cinématographique ou de télévision.
Leur emploi est lié, en fait, à la durée d’activité
de l’entreprise de production qui tombe en sommeil après
la production de telle ou telle œuvre.
Concernant l’activité de production d’émission récurrentes
de télévision, il va de soi qu’il conviendrait de porter
des modifications aux contrats de travail qui régissent l’emploi
de ses salariés afin d’éviter les abus que génèrent
les contrats à durée déterminée d’usage.
Aussi, la dernière réforme intervenue est particulièrement
inadaptée à l’objet de la situation d’emploi particulière
à la production cinématographique et de télévision
comme à celle de la création de spectacle vivant, mais ne représentant
pas les catégories du spectacle vivant, nous ne nous étendrons
pas.
Cette réforme est fondée sur la notion de l’intermittence
qui rejoint la situation d’emploi institutionnel de millions de salariés
qui sont employés dans l’industrie ou le commerce et qui se situent
dans le marché de l’emploi interprofessionnel. Dès lors,
dissocier les salariés intermittents des Annexes VIII et X de ceux de
l’Annexe IV peut apparaître comme une incongruité au regard
de l’Assurance Chômage.
C’est ainsi que cette nouvelle réglementation ne répond
pas à la situation particulière de l’emploi des salariés
de nos professions.
- · En premier lieu, il faut souligner que la réglementation
particulière qu’était l’Annexe VIII spécifique
à la production cinématographique et de télévision
a été absorbée et fondue dans les activités
du spectacle vivant.
C’est là une première incongruité grave au sens
où les situations professionnelles, sociales et d’emploi n’ont
aucun rapport commun et aucune similitude économique.
En effet, la production cinématographique et de télévision
relève d’une économie de type industriel clairement identifiée
et capitalisée ; le spectacle vivant relève, lui, d’une
économie liée à l’action culturelle vivante de
notre pays.
- · Inadaptée également à l’emploi de ces
catégories dont la durée peut être très variable
d’une année sur l’autre, leurs emplois étant liés
aux différentes expressions artistiques de tel ou tel film ou oeuvre.
Pour tel type de films, ce seront plus particulièrement tels ou tels
techniciens ou ouvriers connus pour leur notoriété artistique
pour ce type de films plutôt que tels ou tels autres qui seront demandés.
Ainsi, une année ils participeront à la réalisation de
2 ou 3 films séparés par de courtes durées de chômage
et l’année suivante, ils peuvent connaître au contraire
une durée de chômage bien plus longue.
- · C’est parce que la condition d’admission était
de 507h. dans les 12 mois que le règlement constituait une adaptation
à cette situation spécifique et que le maintien de cette condition
est indispensable ;
Resserrer cette durée (507 dans 11 mois, puis dans 10 mois)
se traduira obligatoirement par l’exclusion d’un grand
nombre de talents qui seront condamnés à quitter cette
profession et que perdra le Cinéma français.
- · A la souplesse de la condition d’admission était conjuguée
une indemnisation qui était très modérée au regard
de celle fixée par le règlement général.
Aujourd’hui, il est stupéfiant de constater que la nouvelle réforme
a pour effet :
- de durcir les conditions d’affiliation
et d’exclure un nombre très conséquent d’ouvriers,
techniciens, réalisateurs de notre industrie nationale ; et cela compte-tenu
du fait que ce règlement particulier a été indûment
ouvert à des professions et des activités qui n’ont pas
lieu d’en relever.
- et, dans le même temps, d’instituer
un calcul d’indemnité qui se traduira par une forte majoration
de celles-ci.
C’est là une situation ubuesque ou, plus simplement, une démarche
politique dont la finalité, notamment pour le MEDEF, est de constater
à très court terme qu’en aucune manière le différentiel
entre cotisations et prestations ne s’est réduit et donc de faire
basculer l’ensemble de ces professions dans le règlement général
des intermittents définis par l’Annexe IV.
Préalablement à ces négociations, notre Syndicat a initié
deux projets de réforme :
- l’un pour l’Annexe VIII,
- l’autre pour l’Annexe X.
Ces projets ont été ratifiés également par
la CFTC et par FO.
La CFDT a quitté cette concertation en cours de route, considérant
qu’étant signataire du projet de réforme FESAC,
elle ne pouvait être signataire d’un autre projet.
C’étaient les seuls projets qui proposaient une réforme
en profondeur des champs d’application respectif de ces 2 annexes. Ils
ont fait l’objet d’une vive opposition portée tant par les
représentants de la FESAC que par ceux de la CGT et de la CFDT.
Nous ne détaillerons pas tous les effets incongrus découlant
de cette nouvelle réglementation. Une chose est certaine, c’est
qu’une nouvelle mise à plat, de nouvelles négociations doivent
avoir lieu et ce dans les meilleurs délais.
Cette nouvelle négociation doit, en premier lieu, avoir pour objet
de redéfinir et reprofessionnaliser les champs d’application de
l’une et de l’autre des annexes. Ce sera le premier élément
économique qui permettra de réduire le différentiel entre
cotisations et prestations.
En second lieu, il convient d’adapter les règles du règlement
général pour éviter un certain nombre d’abus que
génèrent la réglementation et, dans le même temps,
fixer des niveaux d’indemnisation tenant compte des spécificités
inhérentes à ces professions et à la condition d’admission
à l’Assurance Chômage.
Dans l’Accord signé le 13 juin 2003, une clause précise
que les partenaires sociaux de l’UNEDIC se retrouveront, dans
le dernier trimestre 2004 pour « faire le point » sur les
effets de la nouvelle réforme.
Cette date doit être celle de la réouverture d’une négociation
et permettre de revoir cet Accord et de conclure :
- sur une Annexe spécifique et adaptée
à nos professions comme cela avait été institué
en 1964 pour les ouvriers, techniciens, réalisateurs de la production
cinématographique et de télévision (Annexe VIII) ;
- et sur une ou deux annexes propres aux artistes
et aux catégories professionnelles spécifiques du spectacle vivant
pour les fonctions ne relevant pas du marché de l’emploi interprofessionnel.
Nous demandons le retour au Règlement professionnel particulier qu’était
l’Annexe VIII pour les ouvriers, techniciens, réalisateurs de la
production cinématographique et de télévision.
Nous demandons une renégociation distinguant les deux Annexes et les
maintenant dans le règlement interprofessionnel de solidarité
de l’Assurance chômage.
A toutes fins utiles, nous nous permettons de joindre à la présente
la copie des projets de réforme que nous avons établis et cosignés
par les Fédérations FO et CFTC ainsi que plusieurs autres informations
que nous avons publiées.
Nous restons à votre entière disposition pour vous rencontrer
si vous le souhaitez.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de
nos salutations respectueuses.
Pour la Présidence,
Le Délégué Général,
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