Convention collective de la Production de film d'animation LA PRATIQUE DU “FORFAIT” http://www.sntpct.fr/adhere.html SOMMAIRE Introduction Le contrat et son objet (CDDU) Une pratique devenue systémique :
comment et pourquoi? En France, sur la plupart des projets de séries animées,
les storyboarders sont victimes d’une pratique illégale appelée (à tort) le “forfait”
:
cette pratique consiste à ne pas payer les dépassements de la durée
prévue au contrat. Selon les chiffres du sondage, une majorité écrasante
de storyboarders (plus de 85%) sont contraints de travailler sans
rémunération (sur des durées allant de quelques jours à plusieurs
semaines !) pour pouvoir terminer les épisodes, car les délais prévus
par les productions sont largement sous-évalués. Cette pratique constitue un délit de travail dissimulé. Le
SNTPCT la dénonce depuis des années (voir La Lettre Syndicale
Spécial Animation n° 64 de mai 2014 consacrée aux storyboarders :
http://www.sntpct.fr/lettres/lettre64.pdf) et, à son initiative, les négociations ont enfin
commencé avec le syndicat des producteurs. A
noter : Toutes les
sources juridiques provenant du code du travail et de la convention
collective sont indiquées dans ce document. La
pratique actuelle, que l’on appelle à tort le “forfait”, n’a rien à voir avec les VRAIS
contrats au forfait, au sens légal du terme. Pour
information : Dans le
code du travail et la convention collective, il existe bel et bien
des contrats dits “au
forfait”. Ces
contrats permettent effectivement de déroger aux règles encadrant la
durée du travail, en prévoyant un forfait établi en heures ou en
jours. En contrepartie, l’employeur
garantit un nombre d’heures travaillées et
payées, quelles que soient les heures réellement travaillées. Cela
étant dit, ils ne peuvent en aucun cas être défavorables au salarié,
et doivent respecter les dispositions de la convention collective :
Ils prévoient donc, entre autres, que toutes les heures
supplémentaires soient payées, et majorées de 25 % ou de 50 %. >>
Pour plus d’informations,
se reporter aux articles L3121-58 à L3121-62 du Code du
travail. En
réalité, le contrat présenté aux storyboarders par les studios d’animation n’a rien d’un contrat au forfait. Les
CDDU des storyboarders offrent les mêmes conditions de travail que
ceux des graphistes des autres départements. Alors pourquoi ne
sont-ils pas rémunérés en cas de dépassement, là où les autres
salariés sont payés pour tous les jours travaillés? Le CDDU, comme tous les contrats à durée déterminée,
repose sur un objet précis, en définissant un salaire journalier et une
plage horaire consacré à cette tâche (7h ou 8h par jour). La seule différence entre les
contrats des storyboarders et ceux des autres salariés de l’animation, c’est l’objet du contrat :
pour les autres graphistes, il s’agit dans la plupart des cas de la série dans son ensemble (défini
par
le titre de la série), tandis que les contrats des storyboarders portent
le plus souvent sur un
seul
épisode. Outre le fait que cette interprétation
de la notion d'objet est contestable juridiquement, ces contrats sont
donc beaucoup plus courts, et permettent d’introduire une confusion autour de la notion de “forfait”. Les
contrats CDDU indiquent aussi qu’à la fin du contrat, deux situations
se présentent : •
soit
le contrat se termine, •
soit
le contrat est prorogé, par un ou plusieurs avenants. Cela
signifie qu’en principe, à l’issue du contrat, les choses
devraient se passer de cette façon : •
Soit
l’employeur estime que la
tâche est accomplie : l’employeur et le salarié
peuvent poursuivre leur collaboration en signant un nouveau contrat
portant sur un nouvel objet, ou bien la relation contractuelle s’achève. •
Soit
l’employeur estime que la
tâche est inachevée : l’employeur peut alors
proposer un avenant au salarié pour finir cette tâche, ou lui faire
signer un nouveau contrat portant sur un autre objet… ou mettre fin à
la collaboration, puisque le contrat est arrivé à son terme. Pourtant,
en pratique, le contrat des storyboarders est présenté par les
employeurs comme un “forfait”
qui ne peut pas être prolongé,
sous-entendant que le budget alloué à chaque épisode est une enveloppe
fermée, donc non négociable. Tout se passe comme si la durée prévue au
contrat impliquait d’obtenir
un produit fini et validé par l’employeur, comme s’il s’agissait d’une prestation “freelance”. La
pratique actuelle dite du “forfait” peut avoir des
conséquences fiscales et sociales, puisqu'il entraîne du
travail dissimulé. (code du
travail : articles L. 8221-3 - L. 8221-5) Travailler
sans contrat et sans salaire, cela s'appelle du travail dissimulé et
c'est un délit.
Des sanctions pénales et administratives sont encourues pour la
société de production. Les
pénalités peuvent être très lourdes (C. trav.
L. 8224-1) Risques
encourus en cas de travail dissimulé Pour le
storyboarder, le fait de travailler hors
contrat le contraint à faire une déclaration inexacte à l'Unedic (Pôle
Emploi) et donc risquer, en cas de contrôle, une radiation ainsi qu’une
demande de remboursement des allocations touchées sur la période de
travail dissimulé. Pour
les référents des storyboarders (réalisateur, superviseur
storyboard, directeur/chargé de production), le fait de demander à un
storyboarder de continuer à travailler hors contrat place la société
qui les emploie dans l'illégalité par incitation à pratiquer du
travail dissimulé. UNE
PRATIQUE DEVENUE SYSTÉMIQUE : Il nous
est difficile d’identifier
les origines “historiques”
de cette pratique, qui s’est généralisée dans le
milieu depuis plus de 25 ans. Ce qui amène les storyboarders à penser
que cette situation est normale, puisqu’ils l’ont toujours connue et ne
voient pas d’autres
alternatives. Évolution
du métier et difficulté à quantifier le travail Lorsqu’un
storyboarder ne finit pas son épisode dans le temps imparti, la
question de la responsabilité se pose : à qui
la faute ? Au storyboarder trop lent ? Aux producteurs qui établissent
un planning trop serré ?
A l’exigence artistique trop
élevée du réalisateur ? Au script trop long ou difficilement adaptable
? Les réponses peuvent être multiples, mais la responsabilité finit
malgré tout par peser sur le storyboarder, qui est en bout de chaîne. La
difficulté à quantifier le travail du storyboarder vient aussi du fait
que le storyboard est une étape d’exploration : il
fournit le premier document visuel traduisant le scénario en image.
Étape aussi importante que difficile à anticiper, et dont tout le
reste de la chaîne de production dépendra ensuite. Voici
les délais moyens observés sur les séries animées : •
3
semaines de travail pour un épisode de 7 min, •
4
semaines pour du 11 min 30, •
10
semaines pour du 22 min. Les
délais actuels (très insuffisants) n’ont pas changé au cours des
10 dernières années tandis que les techniques, les exigences et le
matériel utilisé n’ont
cessé d’évoluer et de demander au storyboarder des tâches et
compétences supplémentaires. De plus, ces délais sont les mêmes
pour TOUS les storyboarders, qu’ils
sortent tout juste de l’école ou qu’ils
aient 15 ans d’expérience
! L’évolution
technologique de l’industrie de l’animation et des outils de
travail a permis d’optimiser
la qualité des storyboards, mais conduit aussi à une augmentation de
la charge de travail :
- Le storyboarder doit
maîtriser une quantité croissante de logiciels (2D et 3D) pour
mener son travail à bien et se plier aux exigences de chaque studio,
nécessitant des heures d’apprentissage
à leur charge, en dehors de leurs heures de travail.
- Les productions réclament
de plus en plus de tâches supplémentaires qui débordent
parfois largement du cadre du poste de storyboarder : ajout des voix
enregistrées, montage de l’animatique,
poses-clés d’animation,
décors et posings layoutés, pré-design de personnages, intégration
d’éléments 3D... Le
style de chaque série, l’exigence de mise en scène,
les actings, ou encore le niveau de clean-up sont autant d’éléments
qui peuvent considérablement varier d’une production à l’autre et qui ne sont pas
suffisamment pris en considération dans le calcul des budgets alloués
au storyboard et dans la quantification du travail à fournir. Le
calibrage des scripts : on estime qu’une page de scénario
correspond plus ou moins à une minute à l’écran. Or, à titre d’exemple pour un épisode de
11 minutes, les scripts peuvent varier entre 9 et 17 pages selon les
projets. Mais si la longueur des scripts peut considérablement varier,
les quotas des storyboarders, eux, ne bougent pas. Conclusion Ni la
variété des tâches à accomplir, ni leur difficulté, ni l’évolution des
outils utilisés pour fabriquer un storyboard ne sont pris en compte
dans la quantification du temps de travail. En
conséquence, les délais sont de plus en plus difficiles à tenir et
les retards se font de plus en plus fréquents. La plupart de ces retards
sur les délais estimés ne font pas l’objet d'avenants au contrat
initial, plaçant la société qui emploie et le salarié en situation d’illégalité. --------------------- Pourquoi
les storyboarders tolèrent cette situation? Les
storyboarders sortant des écoles d’animation n’ont reçu aucune éducation
sur leurs droits, ou sur la gestion administrative de leurs métiers.
Ils arrivent dans le monde du travail sans comprendre son
fonctionnement : Ils n’ont pas
appris à interpréter un contrat ou à consulter la convention
collective en cas de doute... ils ignorent leurs droits et comment les
défendre. Un
cercle vicieux qui dessert tous les salariés La
situation nuit à la fois aux salariés contraints d’accepter ces conditions de
travail illégales et difficiles, mais aussi à ceux qui tentent de
résister en faisant valoir leurs droits. Voilà
pourquoi il est important pour les storyboarders de se défendre
collectivement plutôt que de rester seul face aux employeurs. Il n’y a qu’en
étant solidaires les uns envers les autres que nous pourrons remédier
à cette situation. Même si vous n’êtes pas directement pénalisés
par cette situation, les mieux lotis doivent se battre pour protéger
les plus précaires (notamment les jeunes salariés sortant
d’écoles, particulièrement vulnérables aux abus dans le monde du
travail). Un
retrait des salariés des luttes collectives ? Les
storyboardeurs (mais ceci est valable pour l’ensemble des salariés du
secteur du cinéma d’animation),
ont été largement absents jusqu’à présent lorsqu’il s’agit de se mobiliser,
ponctuellement ou quotidiennement, pour améliorer leurs conditions de
travail. Cela
peut s'expliquer par le fait que le travail de storyboarder,
particulièrement sur les projets de séries animées, est très
individualisé. Les storyboarders échangent
directement avec leurs supérieurs hiérarchiques, mais rarement entre
eux, et les réunions d’équipe sont rares. Ce qui ne facilite pas les
discussions sur le rythme de travail, les salaires, les heures
supplémentaires ou les contrats. Or,
à l’inverse,
presque tous les producteurs sont syndiqués dans la même
organisation patronale (AnimFrance, anciennement nommée SPFA),
et luttent ensemble pour faire valoir leurs intérêts. L’importance de la fonction Le
poste de storyboarder est fondamental dans un projet d’animation.
C’est lui qui produit la mise
en scène : le placement des caméras de chaque plan, le jeu des
personnages, la composition des plans, le ton, le rythme... Certes, il
est placé sous la responsabilité artistique du réalisateur et/ou du
superviseur, mais il n’empêche
qu’un
réalisateur n’effectue
pas la mise en scène des épisodes qu’il réalise. Il peut donner
les intentions et les codes souhaités mais ne peut pas tout créer de
lui-même, et c’est là
où le storyboarder donne une valeur de création ajoutée. Sans parler
des situations où il se retrouve à devoir compléter ou réécrire le
script, ou faire le montage de l’animatique... Pourtant,
la définition actuelle du storyboarder dans la convention collective
est extrêmement réductrice et vague, la
référence à la « mise en scène » n'y figurant même pas : Définition
actuelle : “Assure
l'adaptation graphique, et le développement du découpage d'un script
ou d'un scénario (ou plus généralement d'une histoire) sous la
direction du réalisateur.” >>
Les storyboarders membres du SNTPCT sont en train de mettre au point une
définition plus précise et qui rend compte du véritable rôle du
storyboarder. L’importance des aides
obtenues pour le budget alloué au storyboard Les
films cinématographiques ou de télévision pour lesquels le
storyboarder est engagé sont en partie financés par l'État via les
aides du CNC et le crédit d’impôt
cinéma ou audiovisuel. Toute production d’une série animée fabriquée
en France contient une part de financement public, notamment via les
aides du fonds de soutien automatique ou du fonds de soutien
audiovisuel. Ces
aides s’obtiennent
sous réserve de remplir certaines conditions et reposent sur un
système d’une
grille de 100 points, pour partie associé à une liste de postes. L’aide accordée aux
producteurs est fonction du nombre de points réuni par le producteur
sur le total de 100. Les storyboarders apparaissent dans la catégorie
« groupe création » au même titre que les réalisateurs, scénaristes et
directeurs d’écriture, ainsi que les auteurs de bibles graphiques et
les compositeurs de musique. Dans le
cas du Fonds de soutien audiovisuel, les storyboarders et les
scénaristes comptent pour 9 points chacun, ce qui représente le
coefficient le plus élevé devant celui des réalisateurs
(7 points). Le Code
du cinéma et de l’image
animée dispose que le Centre National du Cinéma et de l'Image Animée
(CNC) est tenu de veiller au respect de leurs obligations sociales
auprès de ses bénéficiaires des aides financières. En cas de non-respect de ces
obligations, le CNC est habilité à retirer les aides indûment
attribuées. Or, le
poste de storyboarder faisant partie, et de manière conséquente, des
postes donnant accès à l’obtention
d’aides financières publiques,
une pratique de travail dissimulé à ce poste pourrait être lourde de
conséquences pour les productions. Un
contexte favorable à la discussion Au
début de l’année
2020, un grand nombre de storyboarders se sont réunis pour évoquer
la situation à travers les réunions “Storyboarders
en Colère”. Le bouche à oreille a
permis une prise de conscience de quelques studios qui ont décidé d’arrêter les contrats à
l’épisode (présentés comme des forfaits). Il est
intéressant de noter que ces quelques studios ne comptent pas parmi
les plus gros acteurs français, mais sont des studios indépendants. On
peut supposer qu’ils ne disposent pas de
budgets supérieurs aux autres studios pour développer des
projets. Une
évolution du marché qui place le storyboarder en position de force L’avènement de nouveaux acteurs
comme les sociétés de streaming, et la situation favorable du marché
du dessin animé avec toujours un haut niveau d’activité
(cf
l’étude
annuelle établie par Audiens) fait que les besoins en
storyboarders grandissent. Les talents sont de plus en plus sollicités
et donc en mesure de négocier et défendre leurs droits plus
facilement. Des
négociations en cours aux enjeux conséquents Le dialogue entre les différents partenaires sociaux (d’une part, les syndicats représentatifs des salariés et d’autre part
le syndicat des producteurs) s'est enfin ouvert, à l’initiative du SNTPCT. C’est
aujourd’hui,
plus que jamais, qu’il faut se tenir informé de
la situation et se rapprocher des syndicats pour faire entendre sa
voix. Mettre
un terme à la pratique irrégulière du “contrat à l’épisode” Les
storyboarders devraient être payés chaque jour travaillé et leurs
contrats doivent avoir pour objet le titre de la série et non plus tel
ou tel épisode, comme c’est déjà le cas pour
l'ensemble des autres graphistes employés sur une série animée en
France. Augmenter
les salaires Il est à
prévoir que les studios, s’ils
acceptent de mettre un terme à la pratique du “forfait”,
demandent en contrepartie une baisse des salaires des storyboarders.
Or, étant donné que le niveau de qualification (et de responsabilité)
assigné aux storyboardeurs a considérablement augmenté, il est
inconcevable que les tarifs journaliers soient revus à la baisse. Ils
devraient au contraire être augmentés. C’est
pourquoi il nous faut impérativement élever les salaires minimums de
la convention collective de manière à ce qu’ils
correspondent à la réalité du métier, mais aussi pour suivre
l’évolution du coût de la vie. Revoir
les délais à la hausse Les
délais imposés aujourd’hui sont
complètement déconnectés de la réalité, et il convient de les mettre à
jour en intégrant les retours des storyboarders. >>
Lors des réunions entre storyboarders, il a été envisagé d’établir des
délais minimum en
fonction du style de série, néanmoins il est difficile
de systématiser. Même si le pré-school peut sembler plus simple qu’une série d’action, ce n’est pas toujours le cas et
chaque projet a ses propres spécificités. Ça ne suffirait pas à
améliorer la situation. >>
Les membres du SNTPCT ont réfléchi ensemble à une solution et
suggèrent plutôt d’inscrire dans la convention
collective des délais minimums en
fonction de la durée de l’épisode. Améliorer
le calibrage des scripts grâce à la relecture Si le
référentiel 1 page = 1 minute peut servir de barème, il est
intéressant d’observer les pratiques dans
le live-action. En effet, une fois le script terminé,
il passe en table de lecture. Le
réalisateur et ses assistants effectuent une lecture chronométrée du
script. Cette lecture permet de voir si le script est conforme à la
durée prévue et à estimer son coût, ainsi que de vérifier les
intentions de mise en scène. CONCLUSION
: Le
storyboard, ça coûte plus cher Le
département storyboard coûte plus cher que ce qu’il est estimé la plupart du
temps. La
différence entre le coût réel et le coût affiché est aujourd’hui
absorbée par le storyboarder lui-même, le
plaçant dans une situation de plus en plus inconfortable et précaire.
Les
conditions de travail actuelles des storyboarders ne leur permettent
pas d'effectuer le travail qui leur est demandé dans des conditions
décentes. Revoir
les délais à la hausse, payer chaque jour travaillé, revaloriser les
salaires minimums ainsi qu’un suivi plus assidu de la
part de la production sur ce département entraîneraient certes des
coûts supplémentaires, mais ces mesures sont indispensables au vu de
la situation actuelle.
EN STORYBOARD
Ce document a été rédigé par
un groupe de storyboarders
membres du SNTPCT.
C’est le cadre du syndicat qui
nous a permis de nous rencontrer, de nous organiser
et de travailler ensemble pour proposer ce texte
que nous espérons éclairant
pour nos collègues.
Si vous avez trouvé ce document utile, nous vous
invitons à adhérer au SNTPCT si vous le souhaitez, pour nous rejoindre
dans la lutte pour nos droits :-)
La notion de forfait
Ce
document tente d’expliquer comment cette
situation s’est mise en place, et
propose des pistes pour y remédier.
Mais
ces “vrais” contrats au forfait
ne peuvent pas s’appliquer
aux storyboarders : ils
répondent à une liste de conditions précises et sont réservés à
certains postes spécifiques (entres autres, les cadres dirigeants
et autonomes : Réalisateur, Directeur artistique, Directeur
d'écriture, Responsable du développement, Directeur production, Chef
de studio, etc…).
Il serait facile de croire que l’objet du
contrat oblige
le storyboarder à rendre un épisode fini à la fin du délai indiqué, mais
d'un point de vue juridique, il n’en est rien ! Le
contrat CDDU n'impose pas une obligation de résultat, mais une
obligation de moyen : le salarié doit se consacrer à l'exécution
de ses tâches pendant la période de temps prévue au contrat.
Si à l'issue de la durée du contrat, le travail n'est pas achevé, il
faut signer un avenant au contrat pour le finir, ou bien rendre le
travail inachevé.
COMMENT
ET POURQUOI ?
Tâchons
de comprendre où se situe le problème des dépassements, qui sont de
plus en plus impactants sur le travail des storyboarders :
Des
délais insuffisants :
Cette
méconnaissance les amène à accepter toutes sortes de choses, sans
savoir s’ils
ont le droit de refuser ou de négocier. De
plus, les employeurs ont tendance à infantiliser les personnes qui
travaillent dans les milieux artistiques, ce qui complique encore plus
le dialogue.
La
confiance en soi est difficile à acquérir, surtout en début de
carrière où on ne connaît pas les habitudes du métier : Nombreux sont
ceux qui pensent être en défaut (trop lents, incompétents). Ils se
tiennent pour responsables en cas de retard et décident, parfois de
leur propre initiative, de travailler en dehors de leurs
heures de travail. Il y a un problème de communication entre le
salarié et l’équipe de production.
De
même, les contrats courts, signés pour la seule durée d’un
épisode, les rendent plus vulnérables face à la précarité : à
chaque fin d’épisode, les producteurs peuvent décider d’arrêter la collaboration,
sans devoir se justifier. C’est la raison principale
pour laquelle les storyboarders préfèrent prendre sur leur temps libre
pour finir la tâche, plutôt que d’encourir le risque de perdre
leur emploi. Les storyboarders les moins expérimentés sont les
plus fragiles face à la précarité, et n’osent souvent pas objecter
aux conditions de travail qu’on leur propose.
La
peur d’être black-listé entre
également en compte : L’animation est un petit
milieu, et beaucoup d’offres
d’emplois
et d’opportunités
s’obtiennent
par les contacts et le bouche à oreille. Entretenir des bonnes
relations professionnelles est un élément clé de la carrière des
storyboarders. Entrer en conflit, ou se faire mal voir par une
personne de pouvoir (supérieur hiérarchique, producteur, directeur de
studio) est une crainte récurrente chez les salariés, et une entrave à
leur capacité à négocier ou refuser un contrat.
En
somme, la précarité, le manque d’informations et l’insécurité
amènent les storyboarders à surcompenser,
quitte à s’épuiser à la tâche pour finir leur travail coûte que coûte,
plutôt que de négocier une rallonge des délais ou d’accepter de rendre un
travail inachevé. Le rapport de force entre employeur et salarié est
asymétrique et rend la communication difficile; ainsi les
storyboarders ont du mal à faire valoir leurs droits.
Ceux
qui refusent la pratique du “forfait”
sont désavantagés à l’emploi (non-reconduction
de leur contrat, refus, mise à l’écart, etc.) tandis que l’insécurité,
la précarité et la peur contraignent les autres à enchaîner les
heures et jours supplémentaires, avec de lourdes
conséquences sur leur santé mentale et physique (épuisement, burnout,
dépression).
Pour
espérer un rééquilibrage des forces, il n’y a d’autre solution pour les
salariés que de faire de même en rejoignant une organisation
syndicale qui les rassemble.
Dans
tous les cas : Les délais ne peuvent être évalués qu'à titre indicatif
et prévisionnel, et les
dépassements doivent toujours être
payés, conformément à la loi.
Pas
d’amélioration sans constat
lucide