Communiqué
En octobre 2024, l’Assemblée nationale nouvellement élue décidait la poursuite des travaux de la Commission mise en place lors de la précédente législature relative aux Violences sexistes et sexuelles dans le monde du spectacle et de la culture.
Le rapport issu de ces travaux est paru en avril 2025 et nous conduit à formuler un certain nombre de remarques :
La Commission n’a pas souhaité entendre notre Syndicat et les Syndicats de salariés : – s’agissait-il d’un oubli regrettable ou d’une mise à l’écart ? – On peut s’étonner, par exemple, que la Commission – ayant il est vrai choisi d’entendre un nombre impressionnant de témoins- n’ait pas jugé utile d’entendre les Syndicats de salarié·es des branches d’activités visées – dont notre Syndicat -, tandis qu’elle recevait à satiété les Syndicats de producteurs et d’employeurs, ce qui pourrait dénoter un certain parti pris…
Nous avons certes pu prendre la parole au cours de ces auditions, mais seulement dans le Cadre des Comités centraux d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la production cinématographique et de films publicitaires, et de la production audiovisuelle.
Ce qui nous déporte dans une institution que nous gérons certes paritairement avec les Syndicats de producteurs, mais dont les rôles de conseils et de conciliation ne coïncident pas avec celui des Syndicats de salarié·es qui sont de défendre les intérêts collectifs et individuels desdits salarié·es, et plus particulièrement les membres de notre Organisation.
Les propositions de la Commission
Mme la Présidente Sandrine Rousseau et M. Le Rapporteur Erwan Balanant émettent 86 propositions, dont certaines rejoignent nos demandes, parfois fort anciennes :
Une inspection du travail à compétence étendue au territoire national dédiée aux tournages ?
Par exemple la mise en place d’une inspection du travail spécialisée et dédiée notamment à la production et la postproduction de films et d’émissions, dont les compétences s’étendraient sur le territoire national tout entier, pour tenir compte du fait que nos lieux de travail sont itinérants.
C’est une demande que nous avons faite et réitérée depuis de nombreuses années.
Les référent·es : une analyse qui nous semble inadaptée : – et aux dispositions actuelles du code du travail, – et aux conditions d’exercice de nos métiers, sauf à instituer un poste de délégué ad-hoc dont ce serait l’unique fonction sur les films ou les émissions :
En deuxième lieu, le rapporteur estime indispensable de professionnaliser la fonction de référent VHSS, récemment introduit sur les tournages, en rémunérant correctement cette fonction, en prévoyant une forme de certification par l’AFDAS, en interdisant l’accès à ces fonctions aux personnels appartenant à la direction, en favorisant la nomination d’un binôme paritaire sur les tournages et en créant un réseau de référents.
Or le code du travail institue de fait le Directeur de production comme référent, dans la mesure où il représente le producteur sur le plateau et détient toute prérogative et le devoir de transmettre les signalements qu’il reçoit aux dirigeant·es de l’entreprise.
La proposition ainsi formulée signifie en réalité créer un poste particulier d’ « ambassadeur du bien-être sur les lieux de travail », qui n’a pas grand chose à voir à celui que définit le Code du travail actuellement, n’exerçant que cette fonction, à l’exclusion de toute fonction de technicien·ne, ayant pour charge de veiller aux relations entre les personnes et transmettre éventuellement au directeur de production ou au producteur les signalements qu’ils recueillent.
La Commission estime hautement souhaitable qu’il établisse un rapport de fin de tournage, lequel serait confronté au rapport de la Production certifiant qu’elle a tout mis en œuvre, notamment en cas de signalement, et qu’il puisse suivre les enquêtes – ce qu’il suppose qu’il demeure sous lien de subordination de la production, même après la fin de réalisation des films.
Rémunérer les référents, c’est en droit leur retirer la qualité de lanceur d’alerte, ce qui va à l’encontre du but recherché de mettre fin aux possibilités de rétorsions par les productions et l’omerta qui en résulte…
Car rémunérer correctement cette fonction, c’est retirer potentiellement à ces personnes la protection de lanceur d’alerte Sapin 2 dont elles bénéficient vis-à-vis de l’ensemble des productions. Ce que nous ne considérons pas comme souhaitable.
La Commission propose de façon bienvenue de renforcer les modules sociaux dans les troncs communs de l’enseignement initial…
Enseigner les bases du droit du travail aux étudiant·es, incluant un module relatif aux VHSS nous semble un préalable indispensable :
– il est somme toute inattendu et incongru que les formations initiales ne comportent pas une part d’enseignement des règles qui régissent les relations de travail et la prévention de leurs débordements :
– les droits et devoirs qui découlent de situations qu’ils sont conduits à rencontrer : règles relatives aux contrats à durée déterminée d’usage, règles spécifiques de l’assurance chômage, règles relatives à la gestion des accidents du travail et des arrêts de travail et leurs modes d’indemnisation, etc.
Rendre obligatoire la couverture assurantielle des risques VHSS des productions culturelles.
Qu’entend par là la Commission ?
Étendre l’assurance du film :
– pour élargir les sinistres couverts au défaut d’information ayant conduit à un arrêt du tournage ? Laquelle indemnise l’équipe mise à l’arrêt dans ce cas ? La commission constatant qu’elle n’est jamais mise en oeuvre car elle suppose un dépôt de plainte immédiat de la victime, ce qui ne survient pratiquement jamais..
– Ou bien une assurance qui comprend le cas échéant un volet permettant d’indemniser la victime par la voie d’une aimable conciliation ?
Nous avons rappelé à la Commission que nous considérons qu’on ne saurait omettre l’indemnisation de la victime, qui ne peut consister dans le seul paiement de la partie non exécutée de son engagement lorsqu’elle est contrainte de quitter le plateau, comme voudrait le faire croire certains Producteurs.
Ce qui peut survenir, par exemple lorsqu’un chef de poste ou un artiste principal est mis en cause, mais dont le départ mettrait en difficulté la poursuite du tournage ou le maintien des cofinancements.
Ainsi, l’assurance du film, si elle devait s’étendre à un tel sinistre, ne saurait méconnaître le fait de réparer pécuniairement la victime de son dommage civil, sans préjudice de la poursuite de l’action civile par le technicien en cas de désaccord sur le montant proposé.
Lors des auditions, Mme la Présidente nous a reproché de vouloir par ce biais étouffer les affaires et ne pas permettre aux victimes éventuelles de témoigner par la suite.
Mais rien dans la clause assurantielle telle que nous pouvons l’envisager ne saurait interdire à la transaction de clore le litige et de restreindre la confidentialité à l’affaire en cause, et permettre en cas de récidive, de faire publicité à toute autorité judiciaire des clauses ayant conduit à l’indemnisation.
Ce qui vaudra incomparablement mieux pour la victime d’agression que de devoir partir du tournage sans rien obtenir, ni ne se voir reconnue dans sa qualité de victime.
Indemnisation préalable étendue dans le cadre de plaintes au pénal
À cela, la Commission ajoute la proposition que l’indemnisation dans le cadre de plaintes au pénal (celle de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions) s’étende aux violences verbales et au harcèlement moral, et non plus seulement aux atteintes physiques, ce qui relève d’une modification législative.
Un certain nombre des propositions formulées par la Commission reprennent les dispositions que nous avons ratifiées dans les Accords récemment conclus (conditions de déroulement des castings, protection renforcée des mineur·es, etc.), extension du rôle des CCHSCT à quoi elle recommande par ailleurs d’augmenter la cotisation qui les finance à la charge des employeurs (rappelons que nous avons obtenu dans l’Accord Production cinématographique et films publicitaires une obligation de pourvoir à ses besoins en financement), cependant, rien n’est finalement mentionné quant à la question cruciale du silence et des menaces de rétorsions qui à nul doute perdurent encore et contraignent encore certaines victimes au silence…
Et pour cette raison, après cette étape de prise de conscience, nous n’en sommes qu’au début.
En l’état actuel, considérons qu’il en est ainsi des relations de travail, le rôle du Syndicat est central, ce que nul de ces rapports n’entend curieusement rappeler : imposer – en fonction du rapport de force qu’il réussit à établir – les limites qui s’opposent aux débordements qui peuvent survenir dans la relation de subordination à laquelle le ou la salarié·e se soumet contre le versement d’un salaire.
Par ailleurs, Mme la Ministre de la Culture a établi un nouveau plan d’action sur deux ans, dont :
– La mise en place de référent·es dédié·es aux auteur·trices (scénaristes notamment)
– Extension des référent·es VHSS aux entreprises de moins de 250 salarié·es dans la Production audiovisuelle ;
– Dotation des CCHSCT d’un véritable pouvoir d’enquête (ce qui semble juridiquement difficile attendu que leurs délégué·es sont extérieurs aux entreprises et ne sont pas habilité·es à se substituer aux CSE ou aux chef·fes d’entreprises) ;
– Rendre accessibles, de façon obligatoire, les lieux et faire connaître les dates de tournage aux inspecteurs du travail, ce qui leur donnerait une capacité d’intervention démultipliée.
Paris, le 22 mai 2025