Le SNTPCT rend hommage à Stéphane POZDEREC, notre Délégué général durant quarante cinq années.
Notre Délégué général, Stéphane POZDEREC, s’en est allé le 19 novembre 2024.
Les Présidents, le Conseil syndical et tous ses membres saluent la mémoire de celui qui a conduit la destinée de leur Organisation depuis mars 1974 jusqu’à 2019, et lui a rendu et préservé dans toute sa dimension sa qualité de Syndicat professionnel.
Stéphane était de ces êtres d’exception pour qui servir la cause du Syndicalisme et les intérêts des salariés était l’engagement de toute une vie.
Ayant travaillé dès l’âge de 14 ans, d’abord comme bûcheron dans la région de Toulouse, puis comme apprenti mécanicien à Pau, il est monté à Paris en 1959, sous l’impulsion du pilote automobile Olivier Gendebien. Il a travaillé comme agent méthode, notamment chez Hispano-Suiza, pour collaborer à la conception des trains d’atterrissage du Concorde.
La découverte des écrits de Gérard Lyon-Caen sur le droit du travail va transfigurer sa conscience du monde. Il rappelait parfois que cette lecture lui avait ouvert la porte sur la compréhension absolue de la nature des relations de production et d’échanges qui fondent notre société et le sens des institutions sociales qui en découlent.
Il est engagé en 1972 par Manpower et y assure son premier mandat de délégué syndical.
Parallèlement, il est rédacteur pour la revue Économie & Politique, il signe ses articles sous le pseudonyme Serge Madon.
Après les mouvements de grèves de 1973 qui ont paralysé les chantiers du complexe sidérurgique de Fos-sur-Mer, il parvient à obtenir du patronat des agences de travail intérimaires un Accord sur le contrat de travail à durée déterminée qui transpose en les adaptant les droits issus des dispositions du CDI.
Il démissionne de tous ses mandats lorsqu’il découvre que l’Accord signé par les instances nationales de la CGT ne maintient pas ce qui était issu de la négociation qu’il avait conduite.
C’est ainsi qu’en 1974, après avoir refusé un poste important d’encadrement chez Manpower (les chaînes, mêmes dorées, restent toujours des chaînes expliquera-t-il), il entre au SNTPCT comme délégué permanent.
Il rappelait que, lors de son engagement par notre Syndicat, celui-ci ne disposait pas d’assez de cotisations pour qu’il puisse se faire sa paie. Et c’est alors qu’il a entrepris de lui donner une véritable stature, en refondant sa fonction d’Organisation revendicative.
Son mandat est jalonné tout au long d’événements marquants qui inscrivent le SNTPCT dans une continuité d’action depuis sa création en 1937 : veiller sur notre patrimoine, la convention collective, défendre la liberté d’expression et de création, et le maintien des mécanismes d’aides automatiques à la production pour assurer l’existence et le développement d’une Production cinématographique et audiovisuelle nationale, et son rayonnement.
En 1981, entre les deux tours de l’élection présidentielle, la Fédération et la Confédération CGT entendent imposer au SNTPCT, alors affilié CGT, un changement radical de sa politique revendicative et lui imposer le concept dit « d’audiovisuel », confondant et fusionnant cinéma et télévision.
« Je ne connaissais ni ne comprenais rien des motifs de ce revirement de politique revendicative, qui nous sommait d’abandonner la convention collective de la Production cinématographique, sa grille de salaires minima garantis, et le mécanisme du Fonds de soutien automatique, pour les fondre dans « l’audiovisuel », mais je savais ce qu’il en était des conséquences d’un tel processus.
J’ai alors mis tout en œuvre avec l’aide de Me Pierre BRAUN afin que le Syndicat conserve la propriété de son nom, de son histoire, de son identité, dont la Fédération entendait s’accaparer par un coup de force en vue de le réduire au rang de section syndicale. »
Aussi fait-il venir des huissiers pour faire constater l’irrégularité des assemblées convoquées « pour conciliation et reprise en main « démocratique » » par la Fédération.
Grâce à Stéphane, notre Syndicat a pu rester la propriété pleine et entière des techniciens qui en étaient membres et décider jusqu’à aujourd’hui de la politique librement et majoritairement adoptée par ses adhérents.
L’on pourrait ainsi faire le compte des actions qu’il a entreprises, pour parvenir au démantèlement de la Commission de négociation d’une convention dite « des intermittents techniques de l’audiovisuel » fusionnant et confondant, télédiffuseurs, prestataires et producteurs — films en vue réelle et d’animation mêlés — afin d’aboutir, au bout de vingt ans, après que ce projet de convention unique, impraticable, ait volé en éclats :
à une convention de la prestation en 1999 que notre syndicat a négociée et qui fixait pour la première fois un salaire minimum garanti du réalisateur (une course d’obstacles titrait-il dans l’un des articles de notre journal) ;
à une convention de la production de films d’animation en 2004 ;
à la convention de la production audiovisuelle de 2007, sans pouvoir cependant maintenir l’Accord de 1968 qui faisait application sur tous les téléfilms des salaires minima de la production cinématographique, entreprenant une longue action qui a récemment permis dernièrement de vaincre un obstacle supplémentaire à la distinction entre films de télévision et émissions de télévision ;
auparavant, l’accord de 1984 qui garantissait le maintien du niveau des salaires minima de la production cinématographique par ajustement automatique à l’indice des prix INSEE et que Stéphane ratifiait tous les six mois ;
le doublement des points retraite en 1991, qui doublait parallèlement les pensions des retraites complémentaires, y compris de façon rétroactive pour ceux qui avaient déjà liquidé leur retraite : « c’est l’Accord le plus considérable que j’ai jamais signé » rappelait-il.
La grande affaire fut la révision et l’extension de la Convention collective de la Production cinématographique et de films publicitaires entre 2005 et 2013, d’obtenir le maintien des grilles de salaires minima, le maintien de sa structuration en plusieurs titres pour distinguer l’activité pérenne des entreprises de production et la réalisation des œuvres, alors que le Ministère du travail, les syndicats de producteurs et les autres Syndicats de salariés s’opposaient à l’idée même d’une révision des textes de 1950 et 1960 et entendaient faire du passé table rase.
Que de tortuosité, d’obstacles a-t-il fallu enjamber, que de stratégies a-t-il fallu déployer pour convaincre le Ministère du travail qu’il n’avait d’autre issue que de publier l’arrêté d’extension malgré la campagne de presse orchestrée par les Syndicats de producteurs non signataires, en soufflant cette suggestion d’en différer l’entrée en vigueur pour se donner une marge de temps et négocier une fin de crise.
Tant de propositions formulées par notre Organisation sous son impulsion pour le maintien des salaires, lutter contre les délocalisations. Stéphane était sur tous les fronts à la fois.
Cependant, en conservant sa capacité d’analyse : « Tu comprends, il faut parfois savoir prendre de la hauteur. » nous rappelait-il.
Les grades d’officier qui lui avaient été décernés par les Ministres de la Culture, ceux du Mérite et des Arts et Lettres, étaient ceux du Syndicat tout entier. Toto Mercanton le lui rappelait : « Stéphane tu as un défaut, tu n’as pas d’ambition. ».
Elle oubliait peut-être la principale : démontrer qu’il pouvait exister en France une Organisation syndicale digne de ce nom portant haut les principes qui guident sa raison d’être : détenir l’indépendance de son financement par les cotisations, et ne jamais trahir les intérêts de ceux que le Syndicat rassemble et représente, préserver sa combativité.
Aujourd’hui, nous sommes dans la peine qu’il ne soit plus parmi nous. Il va certes beaucoup nous manquer : ses coups de gueule, ses reproches et son exigence, sa voix portant loin ses convictions, à tous il manquera comme la référence de ce que représente le combat syndical pour l’amélioration des salaires et des conditions de travail, son investissement pour tous les techniciens dont il a si bien défendu les intérêts.
« Savent-ils ce qu’ils me doivent et ce qu’ils doivent à notre action », s’interrogeait-il parfois…
Mais il nous reste la fierté et le bonheur de l’avoir connu, et de l’avoir aimé, pour son engagement sincère : il s’enorgueillissait d’avoir la confiance des dirigeants du Syndicat dès son arrivée, que notre Président Claude Renoir lui ait interdit de le vouvoyer (il était le seul), et de ce qu’il obtenait pour tous ;
pour son humilité, il s’étonnait que l’on puisse lui porter de l’admiration ou même de l’attention, alors que ses analyses économiques et juridiques absolument clairvoyantes et précises (il affirmait que cette précision lui venait de son expérience d’ajusteur et de mécanicien),
son aptitude à expliquer, à synthétiser, à décrypter les tenants et aboutissants de façon simple et claire, sa pensée toujours juste et posée, en donnait véritablement la matière ;
pour sa capacité à nous donner chaque jour une leçon de vie et de volonté que nous ne pourrons jamais oublier.
Nous exprimons à ses enfants, ses petits enfants, à sa famille et ses proches toute notre amitié et nos condoléances.
Le Conseil syndical.
La cérémonie se tiendra : jeudi 28 novembre 2024 à 14h00, 2 Cour Victor Hugo 83660 Carnoules
Le Syndicat lui rendra par la suite un hommage pour les 45 années qu’il lui a consacré et ce qu’il lui a apporté.