S.N.T.P.C.T.
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Syndicat National des Techniciens et Travailleurs de
la  Production  Cinématographique  et de  Télévision
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– déclaré sous le N° 7564 –
Production audiovisuelle 2015 2016 (La double grille de salaires de la convention collective de la production audiovisuelle)

 


 

 

CONVENTION COLLECTIVE
DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE ?

 

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TÉLÉFILMS : Après 14 années d’application d’Accords de salaire illégaux dans la production de téléfilms, où deux niveaux de salaires minima – en fonction du montant du devis – s’appliquaient pour les techniciens,


la Cour d’appel de Paris, en référence au principe d’ordre public « à travail égal, salaire égal », pour la deuxième fois, vient d’annuler l’ – Avenant salaires à la Convention collective de la Production audiovisuelle – qui s’appliquait limitativement aux seules catégories de techniciens du téléfilm.

 

La Cour d’appel de Paris a jugé qu’un technicien travaillant sur un téléfilm, quelle que soit sa fonction, exerce la même fonction, et que le montant du devis des films ne peut permettre l’application de deux niveaux de salaires minima distincts selon le montant des dépenses prises en compte par le CNC dans le cadre du CoSIP ou par le dispositif de crédit d’impôt.


Les juges ont considéré que ce n’est pas le montant de ces dépenses qui peut caractériser et différencier la nature de la fonction et la qualification des techniciens – qu’ils soient chef maquilleur, chef décorateur, directeur de la photographie, caméraman, chef monteur, chef costumière, habilleuse, etc. –.

 

La Cour d’appel de Paris a fait suite à la nouvelle saisine que le SNTPCT a déposée auprès du Conseil d’État en vue d’abroger l’arrêté d’extension de l’Avenant n°2 du 15 novembre 2007 de la Convention collective qui a été établi et contresigné par :

- les Syndicats de producteurs USPA, SPI, SPECT

- les Syndicats de salariés SNTR-CGT, CFDT, CGC.

 

Il résulte de cette décision de la Cour d’appel de Paris qu’une négociation doit en principe s’ouvrir très prochainement dans le cadre d’une Commission Mixte qui sera présidée par un représentant du Ministère du travail.

 

Ces négociations devront déboucher sur l’institution d’une grille de fonctions et d’une grille de salaires minima unique, propre à la production de téléfilms, quel que soit le montant de leur devis.

 

Il conviendra, notamment pour le téléfilm, d’imposer une revalorisation des salaires minima qui correspondent actuellement aux fonctions suivies du qualificatif « spécialisé », qui ont subi une diminution de plus de 14 % en référence à l’évolution du coût de la vie.

 

À travail égal, les salaires doivent être égaux.


 

À DATER DU 5 AVRIL 2015 : si les Syndicats de producteurs USPA, SPI, SPECT, et les Syndicats de salariés SPIAC-CGT, CFDT et CFE-CGC ne déposent pas un recours contre la décision que la Cour d’appel de Paris vient de rendre :


- la double grille de salaires minima pour les techniciens du téléfilm selon le montant du devis des films ne sera plus applicable.

 

 

HISTORIQUE : UN RAPPEL NÉCESSAIRE

 

■ En 1985, la Direction des Relations du Travail a décidé d’instituer à la demande de l’USPA, du SNTR-CGT et de la CFDT, une Commission Mixte de la négociation d’une convention collective dite « intermittents techniques de l’audiovisuel ».


Le champ d’application de cette convention confondait 5 branches d’activité de production différentes, correspondant à 5 codes NAF distincts :

- la production de films pour la télévision (92-1A)

- la production de films institutionnels (92-1B)

- la prestation technique pour le cinéma et la télévision (92-1D)

- la production de programmes de télévision (92-2B)

- la diffusion de programmes de télévision (92-2C)

 

Notre Syndicat s’est opposé à l’institution d’une telle Commission mixte et a demandé l’institution d’une Commission mixte propre à l’activité économique de la production de téléfilms et l’institution d’une Commission mixte propre à la production d’émissions de télévision dites de flux.


Cependant, suite à ce regroupement d’activités économiques et professionnelles disparates, l’USPA a obtenu de l’INSEE, un code d’activité NAF commun à la production de films de télévision (téléfilms) et à la production de programmes de télévision (émissions de flux diffusées en direct ou enregistrées).

C’EST LE CHAMP D’APPLICATION DE LA CONVENTION COLLECTIVE DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE qui est en vigueur et englobe et confond en un champ unique, la Production de téléfilms et la Production d’émissions de télévision de flux.

 

■ Jusqu’en 1999, l’USPA représentait les producteurs de téléfilms et appliquait pour les ouvriers et techniciens la grille de fonctions et de salaires minima de la production cinématographique, conformément aux Accords qui avaient été signés entre notre Syndicat et l’USPA dès 1968 et confirmés ultérieurement à plusieurs reprises.

L’activité des entreprises de production de flux n’était pas représentée en tant que telle et aucun texte de Convention applicable à l’activité de production de flux n’existait.

 

■ En décembre 1999 : les Syndicats de producteurs, USPA, SPI, ont considéré qu’ils représentaient ces deux branches d’activité et ont proposé un champ d’application conventionnel unique regroupant et confondant l’activité de production de films de télévision et l’activité des entreprises de production d’émissions de télévision dites « de flux ».


Et ont proposé une grille de fonctions et de salaires minima uniques s’appliquant indistinctement à la production d’émissions de flux et à la production de téléfilms.

Le niveau des salaires minima proposés, en référence aux salaires de la production cinématographique appliqués dans le téléfilm, étaient inférieurs en moyenne de 50 %.


Face à cette grossière provocation dont l’objet était de remettre en cause les salaires minima des ouvriers et techniciens du téléfilm, le SNTPCT a appelé l’ensemble des ouvriers et techniciens à faire grève et à se rassembler devant le siège de l’USPA.

Le SNTR-CGT s’est joint à cet appel.

 

Suite à trois jours de grève et au rassemblement de plus de 3 000 techniciens devant le siège de l’USPA, nous avons obtenu des Producteurs de téléfilms un Accord par lequel ils s’engageaient :

- à rémunérer les ouvriers et techniciens sur la base du barème garanti joint à cet engagement, correspondant aux salaires minima de la production cinématographique,

- et à participer pour leur activité de production de téléfilms aux négociations de la future convention collective des techniciens de la Production audiovisuelle.


■ En avril 2000, nous sommes placés dans une situation de fait accompli :

l’USPA signe avec le SNTR-CGT et la CFDT un Accord de salaire limité aux seules fonctions des techniciens, instituant deux niveaux de salaires minima différents, l’un dit « M1 », l’autre dit « M 2 » ;

L’application des salaires de la grille « M2 » – la plus élevée – était référencée au dépassement d’un seuil de dépenses prises en compte par le CNC dans le cadre du CoSIP.

Si le montant des dépenses était inférieur à ce seuil, les techniciens du téléfilm se voyaient appliqué le salaire minimum inférieur dit « M1 », qui était le salaire fixé pour les techniciens du flux.

 

Ainsi, l’USPA obtenait que, pour les catégories techniciens, ne soit plus applicable à tous les téléfilms les salaires minima qui étaient ceux de la Production cinématographique,

et obtenait une diminution de 25 à 40 % selon les fonctions des salaires minima pour les téléfilms dont les dépenses étaient inférieures au seuil fixé par le CoSIP.

Cet Accord a été étendu dans la foulée par le Ministre du travail.

 

L’USPA et les signataires de l’accord redoutant une vive réaction de la part des ouvriers, n’ont pas osé agréger dans cet accord les fonctions ouvrières de tournage et de construction de décors en les assujettissant à un double niveau de salaires minima.

 

Et ce n’est qu’à la suite de la ratification de l’accord concernant les techniciens que l’USPA a proposé une grille de salaires minima pour les ouvriers avec deux niveaux de salaires minima dits : « M1 » et « M2 », comme pour les techniciens.

Dès que l’USPA a soumis son projet, le SNTPCT a appelé l’ensemble des ouvriers et des techniciens à la grève.

 

La grève fut très largement suivie, et bien que le SNTR-CGT eût appelé les ouvriers et techniciens à ne pas faire grève,

- l’USPA a été contrainte de céder aux demandes du SNTPCT et d’instituer notamment une seule et unique grille de fonctions et une seule grille de salaires minima pour les fonctions ouvrières – correspondant à ceux fixés dans la Convention collective de la Production cinématographique.

 

Cependant, si l’action appelée par le SNTPCT a réussi à déjouer les calculs de l’USPA pour les catégories dites ouvrières et le projet d’accord pour les ouvriers, la double grille de salaires pour les catégories techniciens, étant étendue, est restée applicable.

En conséquence, pour remettre en cause l’accord concernant les deux grilles de salaires pour les techniciens, le Syndicat n’avait d’autre solution que d’engager une procédure devant le Conseil d’État afin d’obtenir l’abrogation de l’arrêté d’extension.

 

 

■ En juillet 2007, le Conseil d’État donne gain de cause au SNTPCT et abroge l’extension de l’accord d’avril 2000 comme portant violation pour les techniciens de la production de films de télévision – téléfilms – du principe d’ordre public « à travail égal, salaire égal ».

 

Vu la décision du Conseil d’État, l’USPA, la CGT, la CFDT et la CGC, au lieu de réouvrir une négociation, et vu que seuls les signataires de cet accord salarial, étaient habilités aux termes du Code du travail à renégocier et signer un nouveau texte d’Avenant :

- ont ratifié dans les jours qui suivaient un nouvel Accord fondé sur les mêmes principes de double grille de salaires pour les techniciens du téléfilm - à la différence qu’au lieu de référencer le montant du salaire le plus élevé au montant des dépenses prises en compte par le CoSIP –, de le référencer au montant des dépenses prises en compte pour le calcul du crédit d’impôt dont seuls bénéficient les producteurs de téléfilms,

- en dédoublant les titres de fonctions des techniciens du téléfilm et en qualifiant ceux bénéficiant de la grille de salaires la plus élevée de « spécialisés ».


Cette dernière décision de la Cour d’appel du 4 décembre 2014, comme la précédente, fait suite à la demande du Conseil d’État afin que celui-ci prononce ou non, en toute connaissance du jugement de la Cour d’appel, sur l’abrogation de l’arrêté d’extension de l’Avenant n°2 du 15 novembre 2007.

 


Ainsi, pour la deuxième fois, le Tribunal a jugé illégal et a annulé l’existence et l’application d’une double grille de salaires minima pour les techniciens de la production de téléfilms.

 

Si les signataires de ces Avenants ont eu recours à des artifices juridiques illégaux, violant le principe d’ordre public : « à travail égal, salaire égal », avenants qui ont été cautionnés par les différents Ministres du travail, aujourd’hui, il semble qu’ils seront contraints de négocier d’une grille de fonctions et de salaires minima propre à la Production de téléfilms, et d’une grille de fonctions et de salaires propre à la production d’émissions de télévision « de flux ».

À cet effet, la Direction Générale du Travail doit, en principe, mettre en place très prochainement une Commission mixte de négociation.

Le SNTPCT, n’ayant plus à cautionner l’existence de la double grille de salaires minima applicables aux techniciens de la production de téléfilms, il adhérera à la convention.


■ Les demandes revendicatives du Syndicat restent constantes et identiques, à savoir :

- Que le champ d’application de la Convention collective de la Production audiovisuelle stipule qu’elle couvre séparément et distinctement les deux branches d’activité économiques et professionnelles différentes que sont :

- la production d’émissions de télévision dite « de flux » d’une part,

- la production de films de télévision dits « téléfilms » d’autre part.

- Et que ce soient les salaires minima correspondants aux fonctions qui étaient dites « spécialisées » qui s’appliquent à tous les téléfilms sans exception, quel que soit le montant de leur devis.

- Enfin nous demandons que les salaires minima des ouvriers et techniciens existant actuellement, qui ont subi une diminution de plus de 14 %, eût égard au coût de la vie, soient revalorisés de ce pourcentage.


 


■ Quelle grille de salaires s’applique aujourd’hui dans le téléfilm ?

La Cour d’appel précise :

« Le critère de différenciation tiré de la définition de la fiction lourde, caractérisée par un niveau de dépenses éligibles au crédit d'impôt audiovisuel supérieur à un seuil fixé annuellement lors de la négociation des salaires, ne peut donc être appliqué à la production des émissions dites « de flux » puisque les dépenses engagées dans ce cadre ne sont en aucun cas susceptibles d'être éligibles au crédit d'impôt audiovisuel. »

Il résulte de cet attendu que l’ensemble des titres de fonctions et des salaires minima correspondant à la grille des fonctions non suivies du qualificatif « spécialisés » n’est applicable qu’à la production d’émission de flux ;
et ne peut plus être appliquée à la production de films de télévision, le tribunal ayant supprimé pour les fonctions suivies du qualificatif « spécialisé » la possibilité de recourir au salaire minimum correspondant aux fonctions « non spécialisées ».

 

Pour la production de films de télévision, seule demeure applicable la grille de fonctions et de salaires correspondant aux titres de fonctions qui sont suivis du qualificatif « spécialisé ».

En effet, la Cour d’appel a abrogé le critère de différenciation lié au montant des dépenses prises en compte pour être éligible au crédit d’impôt audiovisuel – la Cour d’appel a jugé qu’il s’agissait de deux grilles de fonctions et de salaires distinctes, indépendantes et autonomes l’une de l’autre :

- une grille de fonctions et de salaires minima propre à la production de films de télévision,

- une grille de fonctions et de salaires minima propre à la production d’émissions de flux.

La permission de recourir, pour les techniciens, à la grille de salaires « non spécialisés » pour la production de films de télévision est devenue juridiquement inopérante.

Il en résulte que les producteurs doivent appliquer aux techniciens de la production de films de télévision les salaires minima correspondant aux seuls titres de fonctions suivis du qualificatif « spécialisé ».

En conséquence, en lieu et place du texte de l’Avenant n°2, il y a lieu de négocier un nouveau texte d’Avenant séparant et instituant deux grilles de fonctions et deux grilles de salaires minima séparées, l’une propre à la Production de films de télévision et l’autre, propre, à la Production d’émissions de télévision « de flux » d’autre part.

Les salaires minima des techniciens de la Production de films de télévision ne peuvent plus être référencés à un seuil de montant de dépenses prises en compte pour déterminer le montant de Crédit d’impôt et être assujettis à une double grille de salaires minima en fonction de ce seuil.

 

IL CONVIENT DORÉNAVANT QUE L’ENSEMBLE DES OUVRIERS ET TECHNICIENS SE PRÉPARE À L’ACTION afin d’obtenir un nouvel Avenant, sur les bases proposées par le SNTPCT et qui résultent du jugement de la Cour d’appel,

et d’obtenir notamment une revalorisation des grilles de salaires minima actuelles.

Paris, le 3 avril 2015

 


Brève, pour information :

Dans le but de faire renoncer le SNTPCT à la procédure visant à obtenir l’abrogation de l’Avenant n°2, l’USPA demandait au Tribunal de :

- débouter le SNTPCT de l’ensemble de ses réclamations et déclarer ledit Avenant parfaitement licite.

- ordonner à titre reconventionnel la publication de la décision à intervenir sous forme de communiqué dans trois journaux français ou étrangers, au choix des défendeurs et aux frais du SNTPCT, sans que le coût de chaque publication ne puisse excéder la somme de 10 000 € hors taxes,

- En tout état de cause,

- Condamner le SNTPCT à leur verser la somme de 15 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile…

L’USPA été déboutée de toutes ses demandes et condamnée à verser au SNTPCT 600 € au titre des frais visés par l’article 700.



Ci-après, l’arrêt de la Cour d’Appel du 4 décembre 2014 :

 

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 6 - Chambre 2 ARRÊT DU 04 DÉCEMBRE 2014

 

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/03872

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Janvier 2013 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/02384

APPELANT

SYNDICAT NATIONAL DES TECHNICIENS DE LA PRODUCTION CINEMATOGRAPHIQUE ET DE LA TELEVISION pris en la personne de ses représentants légaux

10 Rue de Trétaigne
75018 PARIS
Représenté par Me Pierre CHAUFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : R109, avocat postulant et plaidant

 

INTIMÉS

SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS pris en la personne de ses représentants légaux
40 rue Louis Blanc 75010 PARIS
Représenté par Me Guillaume SAUDUBRAY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0501, avocat postulant et plaidant

UNION SYNDICALE DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE prise en la personne de ses représentants légaux
5 rue Cernuschi 75017 PARIS
Représentée par Me Christophe CARON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0500 avocat postulant et plaidant

SYNDICAT DES PRODUCTEURS ET CRÉATEURS D’ÉMISSIONS DE TÉLÉVISION pris en la personne de ses représentants légaux
5 rue Cernuschi 75017 PARIS
Représenté par Me Christophe CARON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0500, avocat postulant et plaidant

FÉDÉRATION COMMUNICATION CONSEIL CULTURE (F3C) CFDT prise en la personne de ses représentants légaux
47/49 Simon Bolivar 75010 PARIS
Représentée par Me Chantal-rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148, avocat postulant
Représentée par Me Jonathan CADOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R222, avocat plaidant

SYNDICAT NATIONAL DES TECHNICIENS ET RÉALISATEURS - SNTR-CGT pris en la personne de ses représentants légaux
14/16 Rue des Lilas 75019 PARIS
défaillant

ASSOCIATION FRANÇAISE DES PRODUCTEURS DE FILMS prise en la personne de ses représentants légaux
28 Rue du Surmelin 75020 PARIS
défaillante

SYNDICAT GÉNÉRAL DES TRAVAILLEURS DE L’INDUSTRIE DU FILM CGT pris en la personne de ses représentants légaux
14-16 Rue des Lilas 75019 PARIS
défaillant

FÉDÉRATION MEDIA 2000 - CFE CGC prise en la personne de ses représentants légaux
C/o France Télévision Pièce V 139 7 Esplanade Henri de France 75015 PARIS
défaillante


COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

  • Monsieur Nicolas BONNAL, Président
  • Madame Martine CANTAT, Conseiller
  • Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller qui en ont délibéré

 

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- réputé contradictoire
- rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .

 

**********

 

Statuant sur l'appel interjeté par le SYNDICAT NATIONAL DES TECHNICIENS DE LA PRODUCTION CINEMATOGRAPHIQUE ET DE TELEVISION (ci-après dénommé SNTPCT) contre un jugement rendu le 15 janvier 2013 par le tribunal de grande instance de Paris qui, saisi par ce syndicat de demandes tendant essentiellement à voir dire que l'accord collectif du 15 novembre 2007 intitulé « avenant n° 2 » à la convention collective nationale de la production audiovisuelle est contraire au principe « à travail égal, salaire égal » et annuler en conséquence ledit accord, a : - débouté le SNTPCT de sa demande, - rejeté la demande tendant à la publication de sa décision,
- condamné le SNTPCT à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 4 000 € ensemble à l'UNION SYNDICALE DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE (USPA) et au SYNDICAT DES PRODUCTEURS ET CREATEURS D'EMISSION DE TELEVISION (SPECT), 1 500 € au SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (SPI) et 1 000 € à la FEDERATION COMMUNICATION CONSEIL CULTURE (F3C) CFDT,
- condamné le SNTPCT aux dépens en autorisant leur recouvrement par Maître CARON et Maître CADOT conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions transmises à la cour le 26 mars 2014 pour le SNTPCT, appelant, qui demande à la cour de : - infirmer le jugement entrepris, Statuant à nouveau,

- dire et juger que l'avenant n° 2 en date du 15 novembre 2007 est contraire au principe d'ordre public « à travail égal, salaire égal », En conséquence,

- prononcer la nullité de plein droit de l'avenant n° 2 en date du 15 novembre 2007, - condamner solidairement le SPI, l'USPA, le SPECT, la F3C CFDT, le SNTR CGT, l'ASSOCIATION FRANCAISE DES PRODUCTEURS DE FILMS, le SYNDICAT GENERAL DES TRAVAILLEURS DE L'INDUSTRIE DU FILM CGT et la FEDERATION MEDIA 2000 CFE-CGC à lui verser la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel dont le montant sera recouvré par son avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions transmises à la cour le 22 juillet 2013 pour l'UNION SYNDICALE DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE (ci-après dénommée USPA) et le SYNDICAT DES PRODUCTEURS ET CREATEURS D'EMISSION DE TELEVISION (ci-après dénommé SPECT), intimés et appelants incidents, qui demandent à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande tendant à la publication judiciaire de la décision, Statuant à nouveau,

- dire et juger que l'avenant n° 2 en date du 15 novembre 2007 est très différent de l'accord d'étape du 12 avril 2000, - dire et juger que la règle « à travail égal, salaire égal » ne trouve à s'appliquer qu'à la condition que les salariés soient placés dans une situation identique et dire et juger que la règle « à travail égal, salaire égal » a pour corollaire « à travail différent, salaire différent » dès lors que les techniciens sont placés dans des situations différentes,

- dire et juger que l'avenant n° 2 en date du 15 novembre 2007 instaure un barème de rémunération applicable à deux types de techniciens qui ne sont pas placés dans une situation identique, ce qui justifie l'instauration de rémunérations distinctes,

- débouter le SNTPCT de l'ensemble de ses réclamations et déclarer ledit avenant parfaitement licite, En tout état de cause, sur l'existence de justifications objectives, - dire et juger que la règle « à travail égal, salaire égal » trouve sa limite dans l'existence de critères objectifs et vérifiables qui justifient une différence de rémunération, - dire et juger qu'en l'espèce, l'avenant n° 2 fonde un barème de rémunération sur des raisons objectives et vérifiables,

- dire et juger en conséquence que l'avenant n° 2 est conforme à la règle « à travail égal, salaire égal »,

- débouter le SNTPCT de l'ensemble de ses réclamations et déclarer ledit avenant parfaitement licite,

- ordonner à titre reconventionnel la publication de la décision à intervenir sous forme de communiqué dans trois journaux français ou étrangers, au choix des défendeurs et aux frais du SNTPCT, sans que le coût de chaque publication ne puisse excéder la somme de 10 000 € hors taxes, En tout état de cause,

- condamner le SNTPCT à leur verser la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner le SNTPCT aux entiers dépens de la procédure dont le montant sera recouvré par leur avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions transmises à la cour le 28 juillet 2013 pour le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (ci-après dénommé SPI), intimé, qui demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris, - dire et juger l'avenant n° 2 du 15 novembre 2007 pour les emplois de techniciens de la production audiovisuelle de catégorie B conforme au principe « à travail égal, salaire égal » et débouter le SNTPCT de sa demande, - débouter le SNCPCT de sa demande de nullité de plein droit de l'avenant n° 2 du 15 novembre 2007,

- condamner le SNTPCT à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,


Vu les dernières conclusions transmises à la cour le 29 août 2013 pour la FEDERATION COMMUNICATION CONSEIL CULTURE CFDT (ci-après dénommée F3C CFDT), intimée, qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris, Y ajoutant, - condamner le SNTPCT à lui verser la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, - condamner le syndicat SNTPCT aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de son avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu la non-comparution du SYNDICAT NATIONAL DES TECHNICIENS ET REALISATEURS CGT (SNTR CGT), de l'ASSOCIATION FRANCAISE DES PRODUCTEURS DE FILMS, du SYNDICAT GENERAL DES TRAVAILLEURS DE L'INDUSTRIE DU FILM CGT et de la FEDERATION MEDIA 2000 CFE-CGC, étant observé que l'assignation à comparaître devant la cour ayant été signifiée à leur personne, le présent arrêt sera réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture intervenue le 12 juin 2014,

SUR CE, LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre de la négociation pour l'élaboration d'une convention collective de branche des intermittents techniques de la production audiovisuelle, l'USPA, le SNTR CGT et la FTILAC CFDT ont conclu le 12 avril 2000 un accord d'étape partiel relatif aux salaires minimaux, applicables à la production de programmes de télévision, des techniciens intermittents employés par les entreprises de production, qui distinguait deux minima salariaux : le minimum 1, d'application générale, et le minimum 2, applicable aux productions de téléfilms dont le budget exprimé en « dépenses horaires françaises » excédait 3 millions de francs (environ 457 000 €), dépenses servant de référence pour le calcul des aides de l'Etat en faveur des industries de programmes audiovisuels.

Cet accord a été étendu par arrêté du 13 novembre 2000 de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.

Saisi d'un recours en annulation de cet arrêté par le SNTPCT et d'autres sur le fondement du principe « à travail égal, salaire égal », le Conseil d'Etat a par décision du 13 novembre 2002 sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir, d'une part, si la fixation pour une même catégorie de techniciens de deux niveaux de salaire minimum en fonction des dépenses engagées par l'entreprise de production pour la réalisation d'un téléfilm était contraire au principe d'égalité et notamment au principe « à travail égal, salaire égal », d'autre part, si cette obligation avait été contractée par les organisations représentant les employeurs sous condition potestative, en violation de l'article 1174 du code civil.

Par arrêt du 25 janvier 2007, la cour d'appel de Paris, confirmant sur ce point un jugement rendu le 25 janvier 2005 par le tribunal de grande instance de Paris, a jugé que les dispositions conventionnelles prévoyant pour les emplois de techniciens de catégorie B deux minima salariaux en fonction du budget du film contrevenaient à la règle « à travail égal, salaire égal » et les a annulées.

Par décision du 13 juillet 2007, le Conseil d'Etat a annulé dans cette mesure l'arrêté d'extension.
Entre-temps, le 13 décembre 2006, les partenaires sociaux ont signé la convention collective nationale de la production audiovisuelle, qui reprend en son article IV.2.2 le double système de rémunération résultant de l'accord d'étape du 12 avril 2000 dans ces termes :

« Pour certains emplois, les conditions d'exercice de la mission confiée au salarié peuvent varier considérablement.

Parmi les facteurs de différenciation de cette mission figurent notamment : - le genre du programme ;

- l'importance de l'équipe de production ou de réalisation ;

- la complexité technique des moyens mis en œuvre. Les parties sont en conséquence convenues, pour certains emplois occupés sous CDDU, de prévoir, au-delà du minimum conventionnel de référence (M1), un salaire minimum accru (M2), lorsque des conditions particulières d'exercice de la mission du salarié sont réunies. Conscientes de l'importance de retenir un critère de différenciation qui ne dépende pas de la volonté de l'employeur, elles ont retenu le montant des dépenses horaires françaises, selon les critères et définitions mis en œuvre par le Centre National de la Cinématographie.

Le niveau correspondant est applicable aux emplois concernés dès lors que les dépenses horaires françaises (HT) excèdent un montant fixé lors de la négociation annuelle des salaires. »

Compte tenu de l'arrêt précité rendu par la cour d'appel de Paris, un avenant n° 1 à cette convention a été conclu le 12 février 2007, aux termes duquel les signataires s'engageaient à négocier rapidement un nouveau dispositif mais décidaient dans l'intervalle de maintenir le dispositif distinguant deux niveaux de rémunération selon le montant des dépenses horaires françaises.

La convention du 13 décembre 2006 et son avenant n° 1 ont été étendus par arrêté du 24 juillet 2007.

Les grilles de salaires minimaux correspondantes ont été définies par accord collectif du 26 juin 2007 étendu par arrêté du 26 mars 2008, qui sera annulé par le Conseil d'Etat le 23 juillet 2010.
A la suite de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 janvier 2007 et de la décision du Conseil d'Etat du 13 juillet 2007, les partenaires sociaux ont conclu le 15 novembre 2007 un avenant n° 2 à la convention collective, qui a maintenu deux niveaux de salaire distincts pour les seuls emplois de catégorie B en retenant les critères de différenciation suivants :

- l'introduction de la qualification de technicien « spécialisé » au niveau de rémunération minimale supérieur, par opposition à celle de technicien non spécialisé,

- l'interdiction de recourir à l'emploi de technicien non spécialisé pour la fiction lourde, caractérisée par un niveau de dépenses éligibles au crédit d'impôt audiovisuel supérieur à un seuil fixé annuellement lors de la négociation des salaires.

Cet avenant n° 2, de même que le tableau des emplois concernés et la grille de rémunération associée, a été étendu par arrêté ministériel du 21 mai 2008 dont la légalité a été contestée par le syndicat requérant.

Par décision du 23 juillet 2010, le Conseil d'Etat a sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de la licéité des stipulations de l'accord collectif du 15 novembre 2007 qui introduisent, pour les emplois de techniciens de la production audiovisuelle de catégorie B, l'obligation de recourir à des emplois qualifiés pour les fictions lourdes définies par référence à un certain niveau de dépenses éligibles au crédit d'impôt audiovisuel.

C'est dans ces conditions que le SNTPCT a assigné le 21 octobre 2010 les signataires de l'avenant du 15 novembre 2007 devant le tribunal de grande instance de Paris et que le jugement entrepris a été rendu le 15 janvier 2013.


MOTIFS

À titre liminaire, il doit être précisé que le SNTPCT vise dans le dispositif de ses dernières conclusions l'autorité de chose jugée mais qu'il ne formalise aucune fin de non-recevoir en ce sens, qui au demeurant ne pourrait prospérer dès lors que les critères de différenciation définis par l'avenant n° 2 du 15 novembre 2007 ne sont pas exactement les mêmes que ceux utilisés dans l'accord d'étape partiel du 12 avril 2000.

Le principe de l'égalité de traitement, dont la règle « à travail égal, salaire égal » est une déclinaison, de portée générale, implique qu'une différence de rémunération entre salariés exerçant des fonctions identiques doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence.

Le SNTPCT soutient que le qualificatif de « spécialisé » qui confère aux techniciens concernés le droit de percevoir une rémunération supérieure est attribué, non en fonction de la nature de l'emploi exercé, mais uniquement en fonction du montant du crédit d'impôt et que ce système de rémunération n'est qu'un simple travestissement de celui institué dans l'accord d'étape partiel du 12 avril 2000 en ce qu'il consiste à remplacer les grilles « M1 » et « M2 » par un doublement des titres de fonctions, en sorte qu'il contrevient à la règle « à travail égal, salaire égal ».

Les syndicats intimés répondent en substance que les techniciens spécialisés et les techniciens non spécialisés ne sont pas placés dans une situation identique et qu'il existe des justifications objectives à la différenciation de leur rémunération.

Les dispositions litigieuses de l'avenant n° 2 du 15 novembre 2007 sont rédigées comme suit :

« En application de l'article IV.2.2 nouveau de la convention collective du 10 décembre 2006 modifiée, les partenaires sociaux de la production audiovisuelle ont recherché un nouveau dispositif prenant en compte les différentes conditions d'exercice de certaines fonctions techniques.

Ce nouveau dispositif est traduit dans une nouvelle rédaction des articles IV.2.2 et V.2.2, dans l'adjonction d'une annexe 5 : Dépenses prises en compte pour la caractérisation de la fiction lourde, dans la modification du tableau des emplois complétant l'article IV.1, et dans la modification de l'annexe 2 : Salaires. La nouvelle annexe 2 prend en outre en compte les salaires résultant de la négociation annuelle des salaires, conclue le 18 juin 2007 pour les salaires minimaux applicables du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008.


IV.2.2 Conditions d'exercice des emplois

Les partenaires sociaux de la production audiovisuelle, tout en affirmant l'unité de la branche tant pour ce qui est des entreprises que pour ce qui est des salariés, reconnaissent que les conditions d'exercice de certaines fonctions techniques ou de production peuvent varier sensiblement d'une production à l'autre, en fonction du genre et de la durée du programme, de la taille de l'équipe mise en œuvre, du rythme de production, du format et du mode d'exploitation.

Pour rendre compte de cette variété de situations, ils ont été conduits à identifier des emplois spécialisés et à établir, pour certaines fonctions, des restrictions de recours, liées à l'une ou l'autre de ces situations.

Ainsi, ils ont jugé légitime d'interdire de recourir à certains emplois pour la production d'oeuvres audiovisuelles – qui suppose une compétence artistique et technique spécifique – pour la fiction – qui nécessite la maîtrise de capacités professionnelles particulières – ou plus spécialement pour la fiction lourde – caractérisée par l'importance des moyens employés, et dont la production met en œuvre une organisation du travail et des relations professionnelles qui lui sont propres..

Ces restrictions sont précisées dans le tableau des emplois inséré dans le présent titre


Tableau des emplois (article IV.1)

Les tableaux des emplois de catégorie A et C sont inchangés et ne sont pas repris. Le tableau des emplois de catégorie B est remplacé par le tableau ci-après.

Nouvelle annexe 2 : Salaires.

Annexe 5 : Dépenses prises en compte pour la caractérisation de la fiction lourde

Les dépenses prises en compte pour caractériser la fiction lourde sont celles qui sont retenues par l'administration fiscale au titre des dépenses éligibles au crédit d'impôt audiovisuel (décret 2006-317 du 20 mars 2006). Elles sont listées ci-après.

a) Au titre des rémunérations et charges sociales afférentes aux auteurs énumérés à l'article L 113-7 du code de la propriété intellectuelle : les avances à valoir sur les recettes d'exploitation versées par l'entreprise de production aux auteurs en contrepartie de la commande et de l'acquisition des droits nécessaires à la réalisation de l'oeuvre, ainsi que les charges sociales afférentes dans la mesure où elles correspondent à des cotisations sociales obligatoires ;

b) Au titre des rémunérations et charges sociales afférentes aux artistes-interprètes visés à l'article L 212-4 du code de la propriété intellectuelle : la part de la rémunération versée par l'entreprise de production aux artistes-interprètes correspondant aux rémunérations minimales prévues par les conventions collectives et accords collectifs de la production cinématographique ou audiovisuelle, ainsi que les charges sociales afférentes dans la mesure où elles correspondent à des cotisations sociales obligatoires ;

c) Au titre des salaires et charges sociales afférentes aux personnels de la réalisation et de la production : les rémunérations et leurs accessoires versés par l'entreprise de production aux techniciens et ouvriers de la production, ainsi que les charges sociales dans la mesure où elles correspondent à des cotisations sociales obligatoires. Lorsque les techniciens et ouvriers de la production sont employés par l'entreprise de production à titre permanent, seuls sont pris en compte les salaires et charges sociales correspondant à la période durant laquelle ces personnels ont été effectivement employés à la réalisation de l'oeuvre éligible au crédit d'impôt ;

1°) Les dépenses liées à l'utilisation de studios de prises de vues, y compris la construction de décors, d'effets spéciaux de tournage, de costumes et de coiffures et maquillage, à savoir : les dépenses de location des plateaux de tournage et annexes, de location de lieux loués spécifiquement pour le tournage à l'exclusion des lieux d'habitation, de construction de décors sur les lieux de tournage, d'éclairage, de préparation et de réalisation des effets spéciaux de tournage, y compris les cascades, de location et de fabrication des costumes, coiffures et de maquillage ;

2°) Les dépenses de matériels techniques de tournage, à savoir : les dépenses de matériels de prises de vues, de machinerie, d'éclairage et de prise de son ;

3°) Les dépenses de postproduction, y compris les effets spéciaux, à savoir : les dépenses de laboratoire image ; de montage des images, d'enregistrement des voix, de bruitage et création sonore, de mixage, de montage du son, d'effets spéciaux numériques et de génériques et bandes-annonces ;

4°) Les dépenses de pellicules et autres supports d'images et les dépenses de laboratoire, à savoir : les dépenses de pellicules négatives image, de pellicules magnétiques son et plus généralement de tous supports analogiques ou numériques d'images et de son, de laboratoires de tournage, de laboratoires de finition, de laboratoire vidéo et de sous-titrage. »

Le tableau des emplois de catégorie B et celui des salaires, tous deux annexés à l'avenant, répertorient les emplois considérés en dédoublant la plupart d'entre eux, différenciant ainsi ceux qui sont qualifiés de « spécialisés » et les autres, par exemple « habilleur » et « habilleur spécialisé ».

Il est systématiquement spécifié par un renvoi à une note en fin d'annexe qu'il est interdit de recourir aux emplois non qualifiés de « spécialisés » pour la fiction lourde, « caractérisée par un niveau de dépenses éligibles supérieur à un seuil fixé annuellement » (tableau des emplois) ou qu'il n'est pas possible de recourir à ces mêmes emplois pour la fiction lourde, «caractérisée par un niveau de dépenses éligibles (cf annexe 5) supérieur à un seuil fixé annuellement lors de la négociation des salaires. Pour la période allant de la date d'extension du présent avenant au 30 juin 2008, ce seuil est fixé à 5 750 euros par minute, ou 345 000 euros pour 60 minutes, seuil du plafond du crédit d'impôt audiovisuel pour la fiction» (tableau des salaires).

Il doit être précisé que les dépenses listées dans l'annexe V précitée sont celles énumérées par l'article 46 quater – O YM de la section VI quater du chapitre I bis du titre premier de la première partie du livre premier de l'annexe 3 du code général des impôts (à l'exception du paragraphe « e » de ce dernier relatif aux dépenses de transport, de restauration et d'hébergement) pour la détermination des dépenses mentionnées au III de l'article 220 sexies du même code ouvrant droit à crédit d'impôt pour les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles de fiction et les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles documentaires.

En outre, aux termes des dispositions de l'article 2 du décret n° 2005-315 du 12 avril 2005 pris pour l'application notamment de l'article 220 sexies du code général des impôts, désormais codifiées à l'article D 331-4 du code du cinéma et de l'image animée, les œuvres audiovisuelles pour être agréées doivent répondre aux conditions minimales de durée et de coût de production suivantes :

« 1° Les œuvres audiovisuelles appartenant au genre de la fiction sont d'une durée supérieure ou égale à 45 minutes et ont un coût de production supérieur ou égal à 5 000 euros par minute produite. Toutefois, pour les œuvres audiovisuelles de fiction destinées spécifiquement au jeune public et faisant à ce titre l'objet d'un contrat avec un éditeur de services de télévision par lequel celui-ci s'engage expressément à les diffuser à des horaires adaptés au jeune public, le coût de production est supérieur ou égal à 3 000 euros par minute produite ;

2° Les œuvres audiovisuelles appartenant au genre du documentaire sont d'une durée supérieure ou égale à 24 minutes et ont un coût de production supérieur ou égal à 2 333 euros par minute produite ;

3° Les œuvres audiovisuelles appartenant au genre de l'animation sont d'une durée supérieure ou égale à 24 minutes et ont un coût de production supérieur ou égal à 3 000 euros par minute produite. »

 

Il résulte du dispositif conventionnel critiqué que les techniciens de catégorie B ne bénéficient pas de la même rémunération minimale selon qu'ils sont ou non spécialisés et que ceux qui ne sont pas spécialisés ne peuvent participer à la production d'une fiction lourde.

 

Selon le SNTPCT, seuls sont concernés par le dispositif litigieux les techniciens de la production de films de télévision (téléfilms) dans la mesure où l'activité des entreprises d'émissions dites « de flux » est exclue du bénéfice de toute disposition relative au crédit d'impôt.

 

L'USPA et le SPECT soutiennent au contraire que le seuil de 5 750 € par minute produite s'applique à tout type de programme et pas uniquement à la fiction, de sorte que rien ne s'oppose à ce que certaines émissions dites « de flux » dépassant ce seuil doivent utiliser des techniciens spécialisés et les rémunérer comme tels.

Il est exact qu'en application des dispositions du paragraphe II.2 de l'article 220 sexies du code des impôts, n'ouvrent pas droit au crédit d'impôt les programmes d'information, les débats d'actualité et les émissions sportives, de variété ou de jeux (c), ni tout document ou programme audiovisuel ne comportant qu'accessoirement des éléments de création originale (d).

Le critère de différenciation tiré de la définition de la fiction lourde, caractérisée par un niveau de dépenses éligibles au crédit d'impôt audiovisuel supérieur à un seuil fixé annuellement lors de la négociation des salaires, ne peut donc être appliqué à la production des émissions dites « de flux » puisque les dépenses engagées dans ce cadre ne sont en aucun cas susceptibles d'être éligibles au crédit d'impôt audiovisuel.

C'est donc bien exclusivement dans le cadre des œuvres télévisées de fiction que ce critère de différenciation est applicable, selon l'importance de la fiction en termes de coût.

Sur le plan formel, ainsi que l'a relevé le rapporteur public lors de la séance du Conseil d'Etat du 07 juillet 2010, le nouveau dispositif « consiste à remplacer deux colonnes verticales – M1 et M2 – pour une même ligne horizontale – par exemple chef costumier – par deux lignes horizontales – chef costumier spécialisé et chef costumier – ce qui revient au même ».

Sur le fond, le seul critère objectif différenciant les techniciens de catégorie B est, comme dans le précédent système, celui d'un montant global de dépenses de production audiovisuelle, les uns, dits spécialisés, pouvant travailler sur des fictions lourdes et non les autres.

 

Le SNTPCT ne saurait soutenir utilement qu'il est constitutif d'une condition potestative à la discrétion des syndicats employeurs dès lors que le niveau de dépenses éligibles au crédit d'impôt audiovisuel est susceptible d'un contrôle administratif et judiciaire.

En revanche, ce critère, complètement étranger aux fonctions effectives exercées par les techniciens considérés, ainsi qu'à leur compétence, leur expérience, leur qualification et leurs responsabilités, n'est pas de nature à justifier une différence de rémunération entre les techniciens dits spécialisés et ceux qui ne le seraient pas.

En effet, nonobstant ses conséquences en termes de budget et d'organisation de la production, la fiction lourde telle qu'elle est définie est insuffisante à justifier d'une différence d'activités des techniciens spécialisés et des techniciens non spécialisés, le volume du budget de la production ne conditionnant pas par principe la nature des compétences et des responsabilités mises en œuvre par les techniciens.

Dès lors et contrairement aux stipulations du nouveau article IV.2.2 issu de l'avenant n° 2 du 15 novembre 2007, les partenaires sociaux n'ont pas « identifié des emplois spécialisés » de catégorie B, leur seule caractéristique connue étant de permettre à leurs titulaires, contrairement aux autres techniciens, de travailler sur une fiction lourde.

Il doit encore être relevé que les artistes-interprètes de renommée peuvent aussi bien être conduits à jouer dans une fiction qui ne répond pas à la définition de la fiction lourde.

En effet, l'annexe 5 précitée (dépenses prises en compte pour la caractérisation de la artistes-interprètes visés à l'article L 212-4 du code de la propriété intellectuelle, seule est prise en compte « la part de la rémunération versée par l'entreprise de production aux artistes-interprètes correspondant aux rémunérations minimales prévues par les conventions collectives et accords collectifs de la production cinématographique ou audiovisuelle, ainsi que les charges sociales afférentes dans la mesure où elles correspondent à des cotisations sociales obligatoires ».

Or, le dispositif conventionnel litigieux n'explique pas par exemple en quoi le technicien maquilleur spécialisé, qui maquille un interprète de renommée pour une fiction lourde, a une activité différente ou se trouve placé dans une situation différente de celle du technicien maquilleur non spécialisé qui maquille le même interprète pour une fiction « légère ».

Il ne saurait être posé le postulat que le degré d'exigence technique et artistique est plus élevé dans le cadre d'une fiction lourde que dans le cadre d'une fiction qui ne l'est pas parce que son budget n'atteint pas les seuils fixés par les dispositions conventionnelles.

Les critères de différenciation des techniciens spécialisés et non spécialisés de catégorie B travaillant à la production de films de télévision, tels qu'ils sont définis dans l'avenant litigieux, sont donc impropres à justifier du fait que ces salariés n'effectuent pas le même travail et par voie de conséquence ne revêtent pas un caractère pertinent.

Il s'ensuit que l'avenant n° 2 du 15 novembre 2007 contrevient à la règle « à travail égal, salaire égal » et doit être annulé, le jugement entrepris étant infirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de publication présentée par l'USPA et le SPECT, qui est désormais sans objet dans la mesure où ces intimés succombent en leurs demandes principales.

La solidarité ne se présumant pas, il apparaît équitable que chacun des syndicats intimés contribuent conjointement à hauteur de 600 € aux frais irrépétibles exposés par le SNTPCT depuis l'introduction de la procédure, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés qui succombent n'obtiendront aucune indemnité sur ce fondement et supporteront les dépens de première instance et d'appel, que l'avocat du SNTPCT pourra recouvrer dans les formes et sous les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS


LA COUR

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de publication présentée par l'UNION SYNDICALE DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE (USPA) et le SYNDICAT DES PRODUCTEURS ET CREATEURS D'EMISSION DE TELEVISION (SPECT) ;

Statuant à nouveau,

Dit que l'avenant n° 2 du 15 novembre 2007 à la convention collective nationale de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006 contrevient à la règle « à travail égal, salaire égal » ;

Annule en conséquence cet avenant ;

Condamne l'UNION SYNDICALE DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE (USPA), le SYNDICAT DES PRODUCTEURS ET CREATEURS D'EMISSION DE TELEVISION (SPECT), le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (SPI), la FEDERATION COMMUNICATION CONSEIL CULTURE CFDT (F3C CFDT), le SYNDICAT NATIONAL DES TECHNICIENS ET REALISATEURS CGT (SNTR CGT), l'ASSOCIATION FRANCAISE DES PRODUCTEURS DE FILMS, le SYNDICAT GENERAL DES TRAVAILLEURS DE L'INDUSTRIE DU FILM CGT et la FEDERATION MEDIA 2000 CFE-CGC à payer au SYNDICAT NATIONAL DES TECHNICIENS DE LA PRODUCTION CINEMATOGRAPHIQUE ET DE TELEVISION (SNTPCT), chacun, la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'UNION SYNDICALE DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE (USPA), le SYNDICAT DES PRODUCTEURS ET CREATEURS D'EMISSION DE TELEVISION (SPECT), le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (SPI), la FEDERATION COMMUNICATION CONSEIL CULTURE CFDT (F3C CFDT), le SYNDICAT NATIONAL DES TECHNICIENS ET REALISATEURS CGT (SNTR CGT), l'ASSOCIATION FRANCAISE DES PRODUCTEURS DE FILMS, le SYNDICAT GENERAL DES TRAVAILLEURS DE L'INDUSTRIE DU FILM CGT et la FEDERATION MEDIA 2000 CFE-CGC aux dépens de première instance et d'appel, que la SCP MIREILLE GARNIER pourra recouvrer dans les formes et sous les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.



 

 

 

 
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